28 Avr Des dépenses militaires en hausse dans le monde malgré la pandémie, l’Afrique demeurant globalement le continent le plus faiblement armé, à l’exception de quelques pays
Comme chaque année, le SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute) a communiqué l’évolution des dépenses militaires dans le monde. En voici les grandes lignes. Elles mettent en évidence la poursuite par les Etats de la course aux armements, sa décorrélation du rythme de croissance économique, la concentration de la production entre quelques pays et le très faible niveau d’équipement du continent africain, hors quelques pays tels l’Egypte, l’Algérie, l’Afrique du Sud et le Nigéria. La prééminence de ces 4 pays s’explique par leur puissance économique à l’échelle africaine et par leurs soucis sécuritaires.
Des dépenses militaires en hausse en 2020 contrastant avec la diminution de la richesse mondiale sous l’effet de la pandémie Covid-19
Alors que le PIB mondial a reculé en 2020 de -4,4%, les dépenses militaires ont progressé de +2,6%, soit un total proche de 2000 milliards $ (1981 Mds). 5 pays – États-Unis (40%), Chine, Inde, Russie et Royaume-Uni – concentrent 62% de ces dépenses. Au 2ème rang, la Chine (250 Mds), rattrape son retard, en phase avec son objectif de devenir la première puissance mondiale. Parmi les pays suivis par le SIPRI, elle connait la plus longue série d’augmentations ininterrompues depuis 32 ans, : + 76% dans la décennie 2011-2020.
Si l’Europe a accru son arsenal (+4% en 2020), la France, pour sa part, 8ème plus grand dépensier, juste après l’Allemagne, a franchi le seuil de +2% pour la première fois depuis 2009.
L’Afrique, le continent où les dépenses militaires sont les plus faibles du monde tant en valeur absolue que relative, avec cependant une hausse en 2020.
Au cours des 32 dernières années (1988-2020), l’ensemble des 54 pays du continent ont dépensé 892 Mds dont 515 Mds pour l’Afrique subsaharienne, soit une moyenne annuelle de moins de 28 Mds. Pour la même période, l’Amérique du Nord a dépensé 22 000 Mds (25 fois plus), l’Europe, 10 000 Mds.
Pour autant, en 2020, l’Afrique a importé un montant de plus de 43 Mds d’armements, soit une progression de +5,13% par rapport à 2019, devançant, en pourcentage, l’Europe (+4,13%), les Amériques (3,2%) et l’Asie/Océanie (+2,5%).
Par habitant, la moyenne en Afrique en 2020 se positionne à 40 $, bien que variant selon les pays. Cette proportion est à comparer avec les États-Unis (2351 $/habitant). Ainsi l’Afrique a dépensé en équipements militaires, 1,8% de son PIB en 2020, contre un ratio de 2,5% pour l’Amérique du Nord et les pays européens.
En Amérique du Nord, cette moyenne était de 1447 $ en 2020, et pour les États-Unis, les dépenses militaires ont représenté 2351 $ par habitant.
La hausse notable en Afrique subsaharienne s’explique surtout par la menace djihadiste
Les dépenses militaires y ont augmenté de +3,4 % en 2020 (18,5 Mds). Cette augmentation est essentiellement imputable à la zone sahélienne au sens large : Tchad (+31 %), Mali (+22 %), Mauritanie (+23 %) et Nigeria (+29%). Elle rejoint l’effort de la France, principal soutien extérieur dans la lutte contre l’expansion djihadiste dans la zone.
A noter le bond de l’Ouganda (+46 %).
Des exportations stables, soutenues par 3 des 5 premiers fournisseurs mondiaux, États-Unis, France et Allemagne
Les ventes extérieures se sont stabilisées dans la dernières décennies, à un niveau cependant élevé. Il est encore trop tôt pour affirmer que les pays importateurs réévalueront à la baisse leurs efforts d’équipement militaire du fait de l’impact économique de la crise sanitaire sur leurs finances.
Les pays à forte demande restent le Moyen-Orient (+25% sur la période 2016-2020) avec, au premier rang mondial l’Arabie Saoudite (+61%) et le Qatar (+360%). En Afrique, l’Égypte continue d’accroître ses achats (+136% sur la même période, tout comme l’Algérie (+64%).
Parmi le top 5 des fournisseurs mondiaux, les États-Unis (+15%) sont présents dans 96 pays, le Moyen-Orient absorbant près de la moitié de leurs ventes. La France (8% du total) et l’Allemagne (5,5%), respectivement 3ème et 4ème exportateurs, consolident leurs parts, la première avec +44% au cours de la période, la seconde avec +21%. On observera que 60% des ventes françaises ont été orientées vers 3 pays, l’Inde, l’Égypte et le Qatar.
La Russie, 2ème exportateur mondial (20%) comme la Chine (5,2%) au 5ème rang, talonnant la France, accusent un certain retrait ces 5 dernières années. La Russie souffre de la concurrence américaine et française, notamment vers l’Inde.
La Chine compte parmi ses tout premiers clients, le Pakistan, le Bangladesh et l’Algérie.
25 compagnies, largement internationalisées, fournissent l’essentiel du marché mondial des équipements militaires, dominé par les Etats-Unis
Selon le SIPRI (chiffres 2019), 12 des 25 premiers fabricants d’armements sont américains dont le top 5 (Lockheed Martin, Boeing, Northrop Grumman, Raytheon and General Dynamics). Ils représentent 61% du chiffre d’affaires généré par ces 25 compagnies dont le total atteint 360 Mds$.
Autre évolution: les entreprises chinoises montent en puissance: le top 25 en inclut 5 et 3 d’entre elles sont parmi les 10 premières. Elles bénéficient du programme de modernisation de leur propre armée, l’Armée de Libération du Peuple; elles sont utilisées comme un important outil de la stratégie de diplomatie économique et politique du pays (Route de la Soie).
A l’inverse, seulement 2 compagnies russes sont dans le top 25, la réduction des dépenses de la Russie dans la modernisation de ses équipements, notamment navals, une concurrence interne accrue et des mesures d’embargo expliquant ces faibles performances.
Pour sa part, l’Europe occidentale compte 6 groupes parmi les 25 premiers, la France se positionnant en tête. Dassault a été le groupe enregistrant en 2019 la plus forte croissance de ventes (+105%), tandis que Thales et Airbus, présentes dans 24 pays, apparaissent comme les 2 compagnies les plus internationalisées, suivies par Boeing, Leonardo et Lockheed Martin.
Il est enfin à noter, pour la première fois ,l’entrée parmi ces 25 leaders d’une entreprise des Emirats, EDGE, illustrant à la fois une demande intérieure forte et une volonté de moindre dépendance des fournisseurs étrangers.
Jean Dollé
Sources: SIPRI, Ecofin
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