18 Mar Coronavirus : Mesures préventives drastiques en Côte d’Ivoire, encore relativement peu affectée comme l’ensemble du continent africain
Malgré le faible nombre de cas confirmés (8 cas dont 6 à Abidjan et 2 à Bouaké sans aucun décès au 16 mars), le gouvernement appelle la population à respecter rigoureusement des mesures préventives drastiques.
Le Conseil National de Sécurité (CNS) réuni le 16 mars en session extraordinaire en présence du président Alassane Ouattara a édicté 13 mesures de grande ampleur, parmi lesquelles :
- Suspension pour une période de 15 jours renouvelables, à compter du 16 mars 2020 à minuit, de l’entrée en Côte d’Ivoire des voyageurs non ivoiriens en provenance des pays ayant plus de 100 cas confirmés de maladie à coronavirus (donc France incluse) ;
- S’agissant des ressortissants ivoiriens et les résidents permanents non ivoiriens, ils seront soumis à une quarantaine obligatoire pour 14 jours dès leur entrée sur le territoire ivoirien dans les centres réquisitionnés par l’État ;
- Fermeture de tous les établissements d’enseignement préscolaire, primaire, secondaire et supérieur pour une période pour une période de 30 jours à compter du 16 mars, à minuit ; il en est de même des boîtes de nuit, les lieux de spectacles et les cinémas;
- Renforcement des contrôles sanitaires aux frontières aériennes, maritimes et terrestres
- Interdiction des rassemblements de populations de plus de 50 personnes pour une période de 15 jours à partir du 18 mars à partir de minuit, susceptible d’être renouvelée. En corollaire, suspension de tous les événements sportifs et culturels nationaux et internationaux ;
- Gratuité totale du diagnostic et prise en charge de tous les cas suspects et confirmés de COVID-19. En outre, des sites complémentaires dotés d’équipements de prise en charge sont aménagés à Abidjan, Abengourou, Aboisso, Bondoukou, Bouaké, Bouna, Daloa, Gagnoa, Korhogo, Man, Odienné, San Pedro et Yamoussoukro ;
- Réactivation des comités de la lutte contre les épidémies, dans tous les départements du pays.
Le continent africain encore relativement peu touché…
On rappellera que 28 des 54 pays africains sont touchés par la pandémie (au 16 mars), avec plus de 360 cas confirmés sur le continent. Chacun prend tour à tour des mesures comparables à celles de la Côte d’Ivoire.
Au Sénégal, partir du 17 mars minuit, toutes lignes aériennes en provenance de France et d’Italie mais aussi d’autres pays d’Europe, tels l’Espagne, la Belgique et le Portugal, ainsi que l’Algérie et la Tunisie, au Maghreb seront suspendues On y dénombre 27 cas, dont 2 déclarés guéris.
Au Maroc, le roi Mohammed VI vient d’ordonner, parallèlement à de nombreuses mesures, notamment de suspension des liaisons aériennes, la création immédiate d’un fonds spécial dédié à la gestion de la pandémie. Il sera doté de 10 milliards de dirhams (934 M EUR).
Il en est de même au Kenya, à Madagascar qui suspend ses liaisons avec l’Europe dès le 20 mars mais ou aucun cas avéré de contagion n’a encore été recensé
En Algérie, 45 cas ont été, à ce jour, confirmés par l’Institut Pasteur dont 3 décès.
Le Nigéria où le premier cas en Afrique subsaharienne été annoncé en février a confirmé un 3ème cas le 17 mars, à Lagos, la capitale économique.
En Afrique du Sud, déjà en récession, le président Cyril Ramaphosa a annoncé, le 15 mars, une série de mesures draconiennes pour contenir la propagation du Covid-19 : interdiction du territoire aux ressortissants de pays dits « à risques », fermeture des écoles, interdiction des rassemblements de plus de 100 personnes…Ceci alors que le pays renoue avec la récession alors que la monnaie nationale, le rand, affecté par la chute des prix du pétrole, est à son plus bas niveau depuis 2016.
En RDC, où un 2ème cas a été annoncé le 12 mars, des décisions, notamment aux aéroports, ont été prises par les autorités qui ne rassurent pas pour autant la population de la capitale Kinshasa.
Une stratégie par endiguement dans un continent avantagé – précairement- par sa démographie, son expérience d’épidémies récurrentes…
La plupart des cas confirmés concernent des personnes arrivant d’Europe et d’Amérique du Nord. L’OMS estime que si la transmission locale – c’est-à-dire les personnes sans antécédents de voyage – reste faible, l’endiguement aux frontières est la stratégie la plus appropriée.
Le nombre relativement faible de cas en Afrique a déconcerté les experts. Certains suggèrent que le climat tropical est moins favorable au nouveau virus, bien qu’aucune donnée ne soit disponible pour étayer cette théorie. Il est possible que grâce à sa population la plus jeune du monde, l’Afrique puisse être davantage épargnée.
Par ailleurs, le continent bénéficie d’une certaine avance sur le reste du monde grâce à son dépistage précoce dans les aéroports et autres ports d’entrée, mis en place lors de l’épidémie d’Ebola ainsi qu’en raison de son expérience des 3 autres grandes infections chroniques, VIH, paludisme, tuberculose. Mais des inquiétudes ont été soulevées en raison de la suppression de l’immunité, en particulier chez les personnes atteintes du VIH. A noter que plus de 32 millions de personnes sont mortes de maladies liées au SIDA depuis qu’il a été identifié au début des années 1980, selon l’UNAids. Les 2/3 des près de 38 millions porteurs du virus vivent en Afrique. Dans ce contexte prégnant, la co-infection est l’une des plus grandes préoccupations.
Et contrairement à l’épidémie d’Ebola, celle du coronavirus est une pandémie mondiale. Cela signifie que les pays plus développés qui affrontent chacun une crise majeure et inédite, risquent d’être moins attentifs à l’Afrique. La situation actuelle n’a cependant, à ce stade, aucune commune mesure avec les 11.000 morts enregistrés en 2014-2016 en Guinée, au Liberia et en Sierra Leone. Mais les risques de propagation face à des infrastructures sanitaires insuffisantes et la promiscuité d’une démographie accélérée sont bien présents…
Enfin, comme au plan mondial, la croissance de l’Afrique pourrait diminuer passant de +3,2% à +1,8% à fin 2020 selon les déclarations le 13 mars de la secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), du fait notamment de la destruction des chaînes d’approvisionnement mondiales, de la faiblesse de la demande de la Chine en matières premières dont l’Afrique est le pourvoyeur principal, du tarissement du tourisme, des investissements étrangers directs, des envois de fonds et de la chute le prix du pétrole… Les mesures restrictives font aussi peser une réelle menace sur la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), projet phare d’intégration, au moment même où elle se met, enfin et non sans difficulté, en place.
Carte Jeune Afrique de l’évolution du virus jour par jour